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Le piano perdu




Il était une fois, dans un royaume éloigné à une époque dont personne ne
parle plus aujourd'hui, un roi et une reine, cupides, que tous
haïssaient. Ils étaient cruels et tout le monde les auraient déjà brulé
vifs si il n'y avait pas eu derrière eux une jeune fille, une jeune
princesse, timide et posée, tout à l'opposé de ses parents. Elle se
nommait Harmony et était belle comme les roses fraichement écloses ou
les papillons volant dans la lumière. Elle était âgée de presque
dix-sept ans et ne vivait que pour une chose: la musique. Elle ne savait
pas s'exprimer autrement qu'ainsi.

Il y avait dans la forêt bordant le château un vieux piano centenaire,
en parfait état; comme si les arbres qui l'entouraient n'avaient pour
mission que de le protéger durant tout ce temps.

Un jour, Harmony se rendit dans la forêt et, après s'être promenée
pendant quelques heures, se rendit compte qu'elle était perdue. Elle
continua donc de marcher sans pouvoir se repérer de quelque façon que ce
soit et aperçut, à travers une trouée, le piano. Il était spécial, avec
ses pieds sculptés, son dos droit et ses touches si blanches qu'elles
vous éblouissaient dès lors que le soleil s'y reflétait; elle tomba sous
le charme dès le premier regard. Elle s'en approcha lentement,
prudemment et décida de jouer un instant afin d'entendre le son
mélodieux de ce magnifique instrument. Elle s'assit devant le piano et
commença à jouer un morceau qu'elle connaissait. Dès qu'elle posa les
doigts sur les premières notes cependant, il se passa quelque chose que
je ne saurais vous décrire. C'était comme si la forêt avait retenu son
souffle durant tout ce temps et qu'à l'instant où elle l'avait effleuré,
ce souffle se soit libéré; comme si le piano avait enfin trouvé son
maître.

Encouragée par ce sentiment, Harmony commença à jouer d'autres musiques,
et elle joua ainsi jusqu'à ne plus pouvoir s'en passer. C'était comme si
sa vie en dépendait. Or, au même instant, à quelques kilomètres de là,
dans le château, le roi leva la tête, interrompant sa tirade enragée aux
paysans, comme s'il entendait la voix d'un ange. Il ne pouvait pas
entendre la musique de là où il était, mais ce fût comme... comme s'il
la ressentait; elle était comme un souffle doux qui vous entoure,
apportant avec lui une odeur douce de fleurs, de mousse et de rosée. Il
se calma alors et plus jamais ne reprit qui que ce soit autour de lui.
Il devint un roi doux et attentionné, ainsi qu'un mari aimant. Quant à
sa fille, on ne la revit malheureusement jamais; on raconte qu'elle dort
encore dans la forêt, avec son piano, en attendant de devoir jouer de
nouveau.

 

 END

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